Catégorie 25 : Un livre d'un auteur japonais
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Avant de présenter ce livre, il est important de parler de son auteur.
Okakura Kakuzō, également connu sous le nom Okakura Tenshin, était un érudit japonais ; né à Yokohama en 1863, il s’est initié à l’anglais et à la culture occidentale dans les magasins de négoces de ce grand port fréquenté par les étrangers.
Enfant, il a passé sept ans dans un temple bouddhiste à étudier les classiques chinois. Puis il a étudié à l’Université de Tokyo avec le professeur américain Ernest Fenollosa, universitaire orientaliste, qui manifestait déjà un grand intérêt pour l’art japonais.
En 1889, Okakura a été l’un des fondateurs de la première académie des beaux-arts du Japon, Tōkyō bijutsu Gakkō, avant d’en devenir le directeur. Plus tard, il fondera le Nihon Bijutsuin (Institut des beaux-arts du Japon) avec Hashimoto Gahō et Yokoyama Taikan.
Son essai « Le Livre du thé », rédigé en 1906, exprime une harmonie japonaise entre l’art, la culture et la simplicité de la vie ; son trait de génie est d’avoir choisi le thé comme art de penser, art d’être au monde car « … nul ne saurait étudier la culture nippone sans tenir compte de la voie du thé. »
Décédé en 1913, Okakura Kakuzō a laissé une empreinte durable sur l’appréciation des formes, coutumes et croyances traditionnelles au Japon et au-delà ; son travail continue d’influencer les amateurs d’art et les penseurs du monde entier.
Ce livre peut également convenir pour la Catégorie 15, un livre dont les chapitres ont un titre. En effet, cet ouvrage présente chapitre ; pour chacun j’ai ajouté des informations complémentaires qui m’ont aidées à mieux comprendre cet art de vivre.
Cet article peut surprendre par sa longueur – le livre ne contient que 161 pages – mais il mérite de se pencher sur tous les « petits trésors » que j’ai découvert…. Bien évidemment, je vous invite à vous imprégner de toute sa poésie : ce fut un réel bonheur, un moment de douce plénitude et d’apaisement, que m’a apportée cette lecture.
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1. la coupe de l’humanité
« Avant de devenir un beuvrage, le thé fut longtemps considéré comme une médecine. Ce n’est qu’au VIIIème siècle, en Chine, qu’il apparut dans le royaume de la poesie comme l’un des plaisirs raffiné de l’époque. Au Xvème siècle, le Japon lui donna ses lettres de noblesse en créant une véritable religion esthétique : la voie du thé.
La voie du thé est un culte fondé sur l’adoration du beau jusque dans les occupations les plus triviales de la vie quotidienne. »
La culture japonaise est à des années lumières de ce que je connais de notre culture française. Symbole de la vie et de la culture en Asie, le thé est un art de la Vie :
« Le thé n’a ni l’arrogance du vin ni l’affectation du café – et encore moins l’innocence minaudière du cacao. »
Pour en savoir plus :
Le Livre du thé — Wikipédia (wikipedia.org)
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2. les écoles de thé
« La brique de thé que l’on fait bouillir, la poudre de thé que l’on bat, la feuille de thé qu’on laisse infuser, témoignent respectivement des pulsions émotionnelles chères aux dynasties Tang, Song et Ming. (…) nous pourrions définir ces trois stades comme les trois écoles du thé : classique, romantique et naturaliste. »
En effet, en Chine, les trois écoles de thé sont associées à trois dynasties différentes en raison de l’évolution des pratiques et des méthodes de préparation du thé au cours de ces périodes :
La période classique (dynastie Tang 618-907) : le thé « bouilli » est devenu plus qu’une boisson médicinale et a commencé à être apprécié pour son goût ; les feuilles de thé étaient conservées sous forme de briques ou de galettes compressées, émiettées et infusées avec d’autres ingrédients pour en faire une sorte de soupe salée,
La période romantique (dynastie Song 960-1279) : le « thé fouetté » est une nouvelle méthode de préparation ; les feuilles de thé compressées étaient broyées pour obtenir une poudre à laquelle on ajoutait de l’eau, créant ainsi le Dian-Cha, l’ancêtre du matcha japonais ; le fouet à thé, communément appelé « chasen » et fabriqué en bambou, est encore un ustensile indispensable dans la cérémonie japonaise du thé,
La période naturaliste (dynastie Ming 1368-1644) : durant cette période, la préparation du thé a subi un changement majeur ; le premier empereur Hongwu a limité la production de thé compressé au profit du thé en vrac ; de nouvelles méthodes et cérémonies de préparation ont vu le jour, à partir de thé en feuilles entières infusées dans de l’eau chaude ; qu’il soit thé noir, thé vert, thé blanc, oolong, chaque variété a ses propres caractéristiques de saveur, de couleur et de force.
Chaque dynastie a donc apporté sa propre contribution à la culture du thé, influençant les méthodes de préparation et les rituels associés au thé.
Il va sans dire que l’histoire du thé, « l’écume du jade liquide », nous invite à explorer les riches pages de cette tradition millénaire qu’est la cérémonie du thé. Si le thé est originaire de Chine, la cérémonie du thé japonaise, également connue sous le nom de Cha-no-yu, est un art traditionnel qui met en valeur la préparation et la dégustation du thé matcha. Profondément enracinée dans la culture japonaise, cette cérémonie célèbre l’harmonie, le respect, la pureté et la sérénité, quatre valeurs fondamentales de la philosophie japonaise.
« La chambre de thé fut une oasis dans le désert morne de l’existence, où des voyageurs épuisés pouvaient se retrouver et boire à la source commune de l’amour de l’art. »
L’harmonie fait référence à la connexion avec la nature et les autres, le respect concerne l’appréciation mutuelle entre l’hôte et l’invité, la pureté symbolise le nettoyage spirituel et physique, et la sérénité représente la tranquillité d’esprit atteinte après la cérémonie.
Pour en savoir plus :
Céramiques de la dynastie des Tang (guimet-grandidier.fr)
La porcelaine (museocineseparma.org)
Lu Yu et le Classique du Thé ou Cha Jing (terre-des-thes.fr)
Le thé japonais : tradition et rituel (japaventura.fr)
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3. TAO et ZEN
Deux philosophies orientales, le Taoïsme et le Zen, ont influencé la culture du thé puisque « Le théisme n’est autre que le taoisme déguisé. »
Lao Tseu, contemporain de Confucius (milieu du VIe siècle av. J.-C. – milieu du Ve siècle av. J.-C) est considéré comme le père fondateur du taoïsme.
Si le Taoïsme valorise l’harmonie avec la nature, le Zen met l’accent sur la méditation et l’éveil.
Le Tch’an, parfois traduit en « méditation silencieuse », est une forme de bouddhisme mahāyāna née en Chine à partir du Ve siècle. Il insiste particulièrement sur l’accession à l’expérience directe de l’Éveil par la méthode la plus efficace et la plus simple possible.
La cérémonie du thé – le cha-no-yu - est profondément enracinée dans le bouddhisme Zen ; elle est considérée comme une forme d’art et une pratique méditative qui incarne les principes du Zen.
Pour en savoir plus :
Cérémonie du Thé au Japon : Guide Complet
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4. La chambre de thé
Sen no Rikyū (1522-1591) est le plus grand des maîtres de thé japonais ; il est à l’origine de la première chambre de thé. Il a révolutionné de façon durable l’esthétique japonaise en procédant à une fusion de l’art et de la nature.
« Tous adeptes du zen, les grands maîtres de thé s’efforcèrent d’introduire l’esprit de cette philosophie dans la manière même de la vie. »
Une chambre de thé, ou chashitsu, est un espace spécialement conçu, codifié pour la cérémonie du thé japonaise : la taille et la structure, le mobilier et les accessoires, la décoration minimaliste, l’éclairage doux et tamisé, des couleurs apaisantes.
Pour en savoir plus :
Senno Rikyu, l'illustre sage de la voie du thé (chanoyu.fr)
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5. Le sens de l’art
un peu de musique tout simplement :
伝統音楽デジタルライブラリー 箏演奏 「讃歌」 - YouTube
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6. Les fleurs
« En offrant la première guirlande de fleurs à son compagne, l’homme primitif a transcendé la brute. » Mais amère constat : « nous ne nous sommes pas élevés de beaucoup au-dessus de la brute. Grattez la laine du mouton et le loup qu’elle recouvre montrera aussitôt ses dents. Si l’on en croit l’adage, l’homme est, à dix ans, un animal, à vingt un fou, un trente un raté, à quarante un tricheur et à cinquante un criminel. »
L’auteur explore les traditions et la philosophie de la cérémonie du thé au Japon, en utilisant notamment plusieurs comparaisons entre les maîtres de l’Ikebana (la voie des fleurs) et les maîtres de la cérémonie du thé, soulignant les similitudes et les différences dans leurs approches artistiques et spirituelles.
Les maîtres des fleurs et les maîtres de thé partagent une appréciation pour la beauté éphémère et la simplicité. Ils cherchent à capturer l’essence de la nature dans leurs compositions, que ce soit à travers les arrangements floraux ou la préparation du thé.
Les maîtres de l’Ikebana et les maîtres de thé considèrent leur art comme une forme de méditation et une voie vers l’illumination spirituelle.
Dans les deux arts, l’interaction avec les invités est essentielle : les maîtres des fleurs arrangent leur composition de manière à ce qu’elle puisse être appréciée sous tous les angles, tandis que les maîtres de thé se concentrent sur l’hospitalité et le partage d’une expérience commune avec le thé.
Pour en savoir plus :
💮Débuter l'Ikebana, la voie japonaisedes fleurs [GUIDE] (dondon.media)
«Ikebana », l’art floral japonais | Nippon.com – Infos sur leJapon
La cérémonie du thé au Japon : une invitation à la sérénité[GUIDE COMPLET] - (japonbonheur.com)
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7. Les maîtres de thé
La cérémonie du thé est un processus lent et minutieux, où chaque détail compte, du type de thé aux céramiques, en passant par les fleurs, l’architecture et même le jardin autour de la maison de thé.
« Pour dire le vrai, il apparaît impossible de trouver quelque domaine de l’art où ces maîtres n’aient point laissé l’empreinte de leur génie. »
Pour en savoir plus :
guimetokorin.pdf (ac-versailles.fr)
Trésors de Kyōto, trois siècles de création Rinpa Le Magazine de Proantic
La tradition Raku au Japon - La Terre en Feu | La Terre en Feu
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« Le Livre du thé » est bien plus qu’un simple ouvrage sur le thé ; il explore la philosophie, l’art et la culture japonaise à travers cette boisson séculaire. Il nous invite à réfléchir sur la simplicité, la sérénité et la beauté de l’existence, tout en célébrant l’harmonie entre l’Orient et l’Occident.
Au Japon, le Cha-no-yu est « une invite au culte de la pureté et du raffinement. »
Désormais, je ne boirai plus une tasse de thé sans avoir une profonde pensée pour Okakura Kakuzo. un moment privilégié de partage et de contemplation, où l’on savoure l’instant présent, une invitation au voyage…..
Traditional Japanese Music | Forest Spirits | Japanese Koto & Shakuhachi - YouTube
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