17 déc. 2024

Mangeuses, histoire de celles qui dévorent, savourent ou se privent à l’excès de Lauren MALKA

Catégorie 15 : Un livre dont les chapitres ont un titre

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Quatrième de couverture « Qui a tué la gourmandise féminine ?

On lie souvent les troubles alimentaires féminins à l’intensification du diktat de la minceur dans les années 1970, mais ce phénomène, encouragé par l’industrie capitaliste, est bien plus ancien. Du mythe d’Ève, soumise à perpétuité au désir masculin pour avoir goûté au fruit défendu, à l’émergence des premiers restaurants – réservés aux hommes –, en passant par leur exclusion de la gastronomie, les femmes semblent condamnées à cuisiner et servir tout en s’affamant, à être ménagères ou gloutonnes quand les hommes sont grands chefs ou fins gourmets.

Comment a-t-on déréglé l’appétit des femmes ? Comment les mouvements féministes contemporains abordent-ils le rapport à la nourriture et au corps ? En fouillant dans l’histoire et la littérature, et en donnant la parole à des mangeuses de tous horizons, ce récit-enquête incarné tente de répondre à ces questions et apporte quelques miettes d’espoir dans un monde d’affamées ».

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L’auteur part du postulat que si « toutes les femmes ne développent pas un rapport obsessionnel et destructeur à l’alimentation », nous exprimons toutes – consciemment ou non – un modèle patriarcal auquel la société nous a imposé de nous conformer.

Force est de constater que le père initie « l’enfant aux saveurs viriles d’un fromage ou de la moutarde » tandis que la mère est investie « de faire découvrir le plaisir régressif et sensuel des mets sucrés ». Si la viande est associée au « viril » et au masculin, le sucre n’est que douceur et plaisir, donc un plaisir féminin.

La gourmandise est une faiblesse féminine. D’ailleurs, depuis la Création, les femmes sont « porteuses du mal » et colportent les « péchés de langue » c’est-à-dire excès de tables, bavardages, médisances….

Chaque femme se reconnaîtra ; que celle qui ne pose pas de regard culpabilisant sur ce qu’elle mange, me jette la première pierre. Nous avons toutes un rapport conflictuel avec la nourriture….. Et de là à passer de « gourmande » à « grosse cochonne » - et dans tous les sens du terme - il n’y a qu’un pas !

L’auteur décortique chaque morceau de ces liens si complexes qui nous assujettissent à la nourriture, en explorant la mythologie et l'histoire, la publicité et le cinéma, la gastronomie, la sociologie et la littérature…..

Ce livre est un essai passionnant sur le rapport des femmes à la nourriture !
Il est richement documenté et j’ai appris « énormément » de choses ; la bibliographie est si complète !

Mais en ouvrant ce livre, j’avoue que j’y cherchais une solution, si mince soit-elle. Certes, j’y ai trouvé les péchés de l’enfance (la gourmandise, encore elle ! ), les restrictions imposées (le désir de plaire), les violences soumises à notre corps (le contrôle et l’obsession de la minceur), un corps trop souvent abusé et sexué (l’obsession de la séduction), le poids de la religion et bien sûr la santé et les troubles du comportement alimentaire.

Oserai-je dire que je suis restée sur ma fin – ou faim ? - ou peut-être n’ai-je pas su lire entre les lignes. La femme – convenance oblige – se doit d’être à la fois grosse et mince ; vos mères ne vont ont-elles jamais dit que « les hommes préfèrent les rondes. Ils sortent avec les minces (…) mais ils rentrent avec les grosses. »

J’ai pourtant compris une seule chose.

« Le rapport à la nourriture est, à mon sens, le bastion invisible du patriarcat car on n’ose pas encore le dénoncer. » Il est clair que toute femme qui prend conscience du système oppressant dans lequel elle évolue – et qui s’en indigne – ne se comporte pas en victime. Elle doit alors connaître son histoire, comprendre les femmes qui l’ont précédée, pour appréhender un avenir à mi-chemin entre appétit et plaisir, sans dérèglement ni excès.

Cet écrit est pourtant remarquable et je l’ai dévoré : c’est une mine de réflexions que nous devrions tou(te)s lire….

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Journaliste et podcasteuse, Lauren MALKA chronique pour Causette et pour l’émision de Jamy Gourmaud Les Epicurieux. Diplômée du CELSA (École des hautes études en sciences de l'information et de la communication, université Paris-Sorbonne), elle a écrit et coréalisé le documentaire La France aux fourneaux, et participé à 4 recueils féministes, dont Ceci est mon corps et Survivre au sexisme ordinaire.

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Pour en savoir plus :

Lauren Malka Podcasteuse (Les Mots)

Lauren Malka (Wikipedia)

Ecrire la bouche pleine, avec Juliette Oury et Lauren Malka (France Culture)

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