3 févr. 2025

Je tape la manche de Jean-Marie ROUGHOL


Catégorie 2 : Un livre qui parle de votre plus grande phobie

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Co-écrit par Jean-Marie Roughol et Jean-Louis Debré, ce livre est un témoignage poignant sur la vie de Jean-Marie Roughol, un homme qui a passé de trop nombreuses années dans la rue.

Le récit commence par une rencontre fortuite entre Jean-Marie Roughol et Jean-Louis Debré, alors que Roughol mendie pour survivre. De cette rencontre naît une relation de confiance, et avec l'aide de Debré, Roughol accepte de partager son histoire. Le livre décrit ses défis et ses expériences, offrant un regard sans filtre sur la vie des sans-abris et les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien.

Jean-Marie Roughol partage une vision brute – sans langue de bois - et réaliste de la vie dans la rue, loin des stéréotypes ; ce livre permet de mieux comprendre le quotidien des personnes sans-abri : les clodos dans le métro, les toxicos dans les squatts, les bagarres de rue, les vols entre SDF, l’extrême violence…. Mais aussi les copains et la mort : des copains morts de froid, de solitude, d’une crise cardiaque ou tout simplement disparus….

S’il rend hommage aux bénévoles des Restos du Coeur, il n’est, par contre, pas très tendre avec les « bleus » du CASH (Centre d'accueil et de soins hospitaliers) de Nanterre :

« J’avais rencontré l’enfer et perdu toute dignité. Nous étions traités comme des animaux nuisibles. »

Le livre suscite une réflexion sur les causes de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Il pose des questions sur notre société et sur la manière dont nous traitons les plus vulnérables. Les SDF sont souvent dénigrés et traités de « grosses merdes qui trainent sur le trottoir » ou de « fainéants » alors que le quotidien d’un SDF est de savoir où il va dormir le soir, ce qu’il va pouvoir manger – et où trouver la nourriture – où se laver, comment faire ses besoins, et surtout, préserver le peu qui lui appartient….

« La nuit dans la rue, c’est la loi de la jungle, le jour la règle c’est chacun pour soi, chacun son trottoir et même chacun sa rue. La nuit c’est pire. »

Malgré les épreuves, Jean-Marie Roughol montre une grande résilience et une volonté de s'en sortir. Des anecdotes personnelles et des expériences vécues nous montrent que la vie n’a pas toujours été très tendre avec lui. Qu’il est difficile de se relever lorsque l’on est tombé aussi bas.

Dépouillé de complexités littéraires, son discours est accessible à un large public ; son langage direct, parfois cru, peut quelquefois choqué, mais il est celui d’un homme qui a fait peu d’étude, certes, mais qui cependant est capable d’émotions brutes, que ce soit la tristesse, la colère, ou l'espoir.

« La rue c’est comme la jungle, pas d’avenir pour les faibles, les frileux ou les peureux. Si tu ne résistes pas et ne montres pas que tu es prêt à cogner, les nouveaux n’hésitent pas à te tabasser et à te piquer ta cagnotte. Il est alors trop tard pour geindre. »

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Sortir de la rue après avoir été un enfant délaissé est un défi immense, car la précarité n’est pas seulement physique, elle est aussi émotionnelle. Laissé pour compte dès l’enfance, Jean-Marie Roughol a été privé de sécurité affective, d’un cadre stable et d’un environnement nourrissant.

Dans la rue, sa survie devient une priorité, et les mécanismes de défense s’installent. L’instinct de protection face à un monde hostile prend le dessus, parfois au détriment de toute tentative de réinsertion. La confiance en soi - en les autres et en l’avenir – est alors sérieusement ébranlée, rendant difficile l’acceptation de l’aide ou la volonté de croire en des solutions durables.

En tant qu'assistante sociale retraitée, j'ai eu l'opportunité de rencontrer des personnes vivant des situations de grande précarité, et ces expériences ont profondément marqué ma perception du monde. Ce qui m’a toujours frappée, c’est la résilience de ces individus face à des conditions de vie extrêmes, mais aussi la souffrance invisible qui accompagne leur vie de tous les jours. Sous le vernis de cette « pauvreté », j’ai souvent rencontré des gens, sensibles, vulnérables, blessés, des gens comme vous et moi.

Mon rôle était alors de fournir un soutien moral et logistique, mais malgré tous les efforts, il me restait un sentiment d’impuissance face à la dureté de la réalité. La vie dans la rue est une épreuve à la fois physique et psychologique, un combat constant pour la survie qui érode la dignité et parfois, l’espoir. Demander de l’aide n’est pas à la portée de tous.

Les services sociaux sont souvent peu adaptés aux spécificités de ceux qui ont grandi dans la grande précarité ou l’isolement, car le chemin vers la réinsertion passe par une longue période de reconstruction personnelle, nécessitant à la fois des ressources matérielles, une grande force intérieure et beaucoup de temps ; il est regrettable de constater qu’aujourd’hui, par exemple, un travailleur social ne peut consacrer plus de 30 minutes d’entretien par personne pour expliquer un parcours de vie, pour en extraire la substance, sans jugement, et trouver une solution durable, ensemble...

« La rue, c’est mon univers. Je j’ai ancrée au plus profond de moi. Malgré les difficultés, l’incompréhension, je m’y sens bien, plus l’hiver que l’été. »

Les témoignages de ceux qui ont vécu dans la rue me touchent profondément. Ils me rappellent à quel point il est difficile de sortir de cette spirale infernale, de reconstruire une vie stable quand on a été fragilisé par des années de lutte pour la survie, de solitude et d’indifférence. Car vous l’avez bien compris, ma plus grande peur est de perdre mon toit…..

La rencontre entre Roughol et Debré montre comment un simple acte de bonté peut transformer une vie. C'est un appel à la compassion et à l'engagement envers les autres. En découvrant l'histoire de Jean-Marie Roughol, les lecteurs peuvent mieux comprendre les parcours individuels qui chavirent dans la précarité, et développer plus d'empathie et surtout de compréhension.

De grâce, lorsque vous croisez un SDF dans la rue, même si vous ne souhaitez pas lui donner une pièce – on ne peut pas aider tout le monde et pourquoi lui plus qu’un autre ! – ne détournez pas le regard : dîtes-lui simplement « bonjour » pour qu’il ne se sente pas « invisible »….

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