Catégorie 23 : Un roman dans lequel il y a plusieurs scènes de crime
mais aurait tout aussi bien pu convenir pour la catégorie 5 : ce thriller n’a pas encore été adapté au cinéma, et je suis sûre qu’il serait une réussite !
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De nos jours, en Guadeloupe. Trois touristes sont retrouvés assassinés avec un harpon de plongée planté en plein cœur. Les meurtres, toujours commis à l'aube, sont accompagnés d'une mise en scène plutôt macabre mais bien orchestrée. Le commandant Valéric Kancel, « un chabin », « un Créole métissé viking, malheureux en Normandie et inadapté ici » récemment revenu après une carrière en métropole, est chargé de mener l’enquête.
Trois crimes vont donc embraser cette île paradisiaque au passé colonial encore présent :
un premier crime sur les Marches des Esclaves
un second crime près de la cascade Parabole et l’acomat boucan géant
et le dernier sur la plage de la Perle.
« il n’y a toujours qu’une vérité, Valéric. Ceux qui affirment le contraire sont ceux qui ont le pouvoir de manipuler la réalité. Les puissants, les maîtres, les anciens et nouveaux colonisateurs. Mentir, c’est asservir. »
Un vieux sorcier antillais « l'Oeil noir » ajoute une dimension ésotérique à l'intrigue par son rôle mystique de prédiction des crimes et sa connaissance des traditions locales ; avec un style qui lui est propre, l’auteur explore habilement les thèmes sociaux et historiques, comme l’esclavagisme, l'identité et les racines culturelles, au sein d’une nature paradisiaque.
Si les personnages du livre sont confrontés à leur propre histoire, le chargé de l'enquête, le Commandant Kancel, doit lui aussi jongler avec ses propres démons intérieurs et ses secrets.« Son père savait si bien mentir. Les adultes savent si bien mentir aux enfants, transformer la vérité, embellir la réalité, cacher leurs défauts. Si les adultes se font passer pour des héros, ce n’est pas pour protéger les enfants, c’est parce qu’ils ne peuvent pas leur avouer qu’ils sont des salauds.»
Je me suis laissée emportée par les interactions et les rebondissements de ce thriller qui, pour ne rien vous cacher, invitent à la réflexion sur une société guadeloupéenne humiliée.
Si l’abolition officielle de l’esclavage en 1848 en Guadeloupe a marqué une étape fondamentale dans l’histoire de l’île, si les chaînes ont été brisées sur le papier, certaines réalités sociales, économiques et culturelles continuent de porter l’empreinte de cette période douloureuse. Et l’auteur y fait souvent référence dans son récit….
L’héritage du système esclavagiste se manifeste encore aujourd’hui sous diverses formes : précarité persistante de certaines classes sociales, transmission limitée des mémoires familiales, silences pesants sur cette partie de l’histoire qui jamais ne s’effacera. Ces tabous, souvent ancrés dans les mentalités, rendent parfois difficile un véritable travail de mémoire et de reconnaissance des souffrances passées. De toutes les souffrances.
Car la justice a ses limites et la vengeance a des conséquences dévastatrices.
Briser ces tabous, c’est reconnaître que l’histoire ne s’efface pas d’un trait de plume.
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Pour en savoir plus :
Petit Canal - Marches des Esclaves - Horizon Guadeloupe
GuadeloupeKarukera Le Code Noir
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