17 août 2025

Rose Bertin, marchande de mode


Lorsque l'on s'intéresse à la broderie, à la couture et à la mode, un nom s'impose inévitablement :
Rose Bertin. Bien plus qu'une simple couturière - « marchande de mode » - elle est une véritable icône qui a révolutionné son époque et dont l'influence se fait encore sentir aujourd'hui.

Née dans une famille modeste, Rose Bertin a su, par son talent et son audace, s'élever jusqu'au sommet du pouvoir. Elle a fondé sa propre maison de mode, « Le Grand Mogol », et est devenue la modiste attitrée de la reine Marie-Antoinette. C'est elle qui habillait non seulement la souveraine, mais aussi toute la cour de Versailles, dictant les tendances avec une créativité sans pareille.

Mais Rose Bertin n'est pas seulement connue pour ses créations extravagantes et ses chapeaux ornés de plumes. Elle est aussi considérée comme la première grande créatrice de mode, celle qui a compris l'importance de la marque et de l'image. Elle a fait du vêtement une œuvre d'art et un symbole de statut social, transformant la simple confection en un véritable secteur économique et artistique.

Son histoire est un rappel inspirant du pouvoir de l'artisanat et de la créativité. Elle a su allier un savoir-faire d'exception à un sens aigu des affaires, laissant une empreinte indélébile sur l'histoire de la mode. Pour tous les passionnés de couture et de broderie, Rose Bertin incarne l'excellence, l'innovation et l'art de transformer le fil et le tissu en pur rêve.

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Marie Jeanne Bertin dite Rose Bertin ou Mademoiselle Bertin est née à Abbeville le 2 juillet 1747 (Archives Docésaire d’Amiens – AD 80) ; souvent surnommée la « Ministre des Modes », elle est une figure emblématique de la mode française du XVIIIe siècle.

Elle n’a que 16 ans lorsqu’elle monte à Paris et travaille comme modiste. Elle ouvre sa propre boutique, « Le Grand Mogol », rue du Faubourg-Saint-Honoré, puis rue de Richelieu. Et si j’ose dire, de fil en aiguille, elle devient LA créatrice attitrée de Marie-Antoinette, influençant profondément les tendances vestimentaires de la cour de Versailles. On pourrait la qualifier aujourd’hui « d’influenceuse ».

Elle révolutionne les silhouettes féminines mettant fin à la robe à paniers encombrante, en vogue depuis près de 75 ans, en introduisant des formes plus naturelles et légères, comme celles portées à Trianon ; elle popularise des tenues champêtres en mousseline, des robes à la polonaise, et même des vêtements de grossesse, ce qui était inédit à l’époque.

Elle invente des « looks » complets pour la reine, renouvelant sans cesse les styles pour susciter l’envie et l’imitation

Sa boutique « Le Grand Mogol » devient un laboratoire de tendances, où elle emploie des dizaines de couturières et fournisseurs ; car elle ne se contente pas de vendre des vêtements : elle crée des collections, joue sur le désir de nouveauté et impose l’idée que la mode est une signature, comme une œuvre d’art ; on peut donc la considérer comme la première créatrice de haute couture française, bien avant que le terme n’existe.

Pour la reine Marie-Antoinette, dont elle deviendra une intime, elle a créé une « robe-chemise », robe en mousseline blanche, légère et fluide, rompant avec les tenues rigides de la cour ; inspirée du style champêtre, elle était portée dans les jardins de Trianon ; mais jugée trop simple et trop intime, elle a provoqué un scandale à la cour, tout en lançant une mode plus naturelle.

Elle est à l’origine des robes à la polonaise, robes à trois pans relevés par des rubans, créant un effet bouffant à l’arrière ; inspirées du costume traditionnel polonais, elles étaient à la fois élégantes et pratiques, très prisées pour les promenades et les événements semi-formels.

Rose Bertin collaborait avec le coiffeur Léonard pour créer des coiffures spectaculaires, les coiffures « à pouf ». Ces coiffures pouvaient atteindre plus d’un mètre de hauteur, décorées de plumes, fleurs, bateaux miniatures, voire des scènes entières ; elles reflétaient les événements politiques ou les passions personnelles de la reine.

Elle incite ses clientes à renouveler leur garde-robe régulièrement, posant les bases du rythme de la mode moderne. Car Rose Bertin est la première à introduire le concept de collections saisonnières : printemps, été, automne, hiver.

Elle vendait aussi des accessoires de luxe, des manchons, brocards, jupons, broderies, et ornements pour personnaliser les tenues. Son magasin Le Grand Mogol était un véritable temple du raffinement parisien.

Sa clientèle inclut la famille royale, des aristocrates, des artistes comme Vigée Le Brun, et même des reines étrangères. En tant que modiste attitrée de la Reine, elle façonne son image publique, au point que les tenues de Marie-Antoinette deviennent des sujets de débat politique ; elle transforme la Reine en modèle vivant, ce qui contribue à la désacralisation de la monarchie mais aussi à l’essor de la mode comme langage social.

Elle est d’ailleurs demandée dans toutes les cours d’Europe, ce qui lui permet d’amasser une fortune considérable. Elle devient la première femme à diriger une corporation de mode, en 1776, et impose le style français comme référence mondiale.

Femme d’affaires influente – qui travaille avec de nombreux corps de métier - surnommée la « Ministre des Modes » par ses contemporains, Rose Bertin incarne l’ascension sociale ; issue d’un milieu modeste, elle a su se hisser auprès des « grands » ; c’est d’ailleurs une femme de tête qui ne fuira pas devant les affres de la Révolution. Critiquée pour son luxe en période de crise, elle refuse de créer des tenues « à l’égalité » ou « à la Constitution ». Elle continuera d’ailleurs à livrer des vêtements à Marie-Antoinette même après son arrestation.

Mais suivant les conseils de son « amie », après l’exécution de la reine, Rose Bertin s’exile à Londres pour fuir la Terreur ; elle reviendra en France en 1795.

Elle s’éteindra à Épinay-sur-Seine le 22 septembre 1813 (AD 93 n°23 page 9/104) dans sa propriété.

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Rose Bertin est un curieux personnage : elle incarne à la fois l’audace créative et la finesse politique dans un monde en pleine mutation. À une époque où les femmes roturières avaient peu de pouvoir, elle a réussi à s’imposer dans un monde dominé par les hommes et l’aristocratie.

Elle a profondément transformé la mode du XVIIIe siècle en la faisant passer d’un simple artisanat à un véritable instrument de pouvoir et d’expression personnelle. En ouvrant sa boutique Le Grand Mogol, elle a créé un modèle commercial de luxe, avec des fournisseurs, des couturières, et une clientèle internationale !

Elle a montré que la mode pouvait être un langage non verbal, utilisé pour affirmer son statut, ses opinions ou ses émotions, permettant notamment aux femmes de l’aristocratie de s’affranchir des codes rigides de la cour, en leur proposant des tenues plus légères, plus libres, comme la robe-chemise. Elle a encouragé une personnalisation du vêtement, où chaque cliente pouvait exprimer sa singularité, pourvu qu’elle y mette le prix...

Sa vie n’a été qu’une succession de défis, car sa relation privilégiée avec la reine lui a valu jalousies et critiques ; certains la voyaient comme une intruse dans les cercles nobles, d’autres comme une manipulatrice influente. Avec la chute de la monarchie, Rose Bertin a perdu sa protectrice et sa clientèle principale. Mais elle était une femme intelligente, au caractère affirmé voire arrogant, et a su naviguer entre loyauté et survie, tout en restant associée à l’Ancien Régime ; sa boutique a survécu un temps, mais elle a fini par tomber dans l’oubli après 1793.

À la veille de la Révolution, le luxe devient un sujet brûlant. Bertin, en tant que marchande de modes, est au cœur de cette polémique : elle incarne une bourgeoisie ascendante, capable de rivaliser avec les privilèges aristocratiques — ce qui dérange autant qu’elle fascine.

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Pour en savoir plus :

Histoire de mode : Rose Bertin, la première créatrice de mode.

BERTIN Rose - Tombes sépultures dans les cimetières et autres lieux

La maison de Rose Bertin à Epinay sur Seine

Rose Bertin | Château de Versailles

Le destin mouvementé de Rose Bertin, la couturière de Marie-Antoinettequi a révolutionné la mode

Rose Bertin : la marchande qui révolutionna la mode

Rose Bertin (FranceArchives)

"Rose Bertin: la couturière révolutionnaire qui a habilléMarie-Antoinette" - Paris Par Rues Méconnues

Rose Bertin, première créatrice de mode française