Catégorie 2 : Un livre qui
parle de votre plus grande phobie
*
Co-écrit
par Jean-Marie
Roughol et
Jean-Louis Debré,
ce
livre est un témoignage poignant sur la vie de Jean-Marie Roughol,
un homme qui a passé de
trop nombreuses années dans la rue.
Le récit commence
par une rencontre fortuite entre Jean-Marie Roughol et Jean-Louis
Debré, alors que Roughol mendie pour survivre. De cette rencontre
naît une relation de confiance, et avec l'aide de Debré, Roughol
accepte de partager son histoire. Le livre décrit ses défis et ses
expériences, offrant un regard sans filtre sur la vie des sans-abris
et les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien.
Jean-Marie Roughol
partage une vision brute – sans langue de bois - et réaliste de la
vie dans la rue, loin des stéréotypes ; ce livre permet de
mieux comprendre le quotidien des personnes sans-abri : les
clodos dans le métro, les toxicos dans les squatts, les bagarres de
rue, les vols entre SDF, l’extrême violence…. Mais aussi les
copains et la mort : des copains morts de froid, de solitude,
d’une crise cardiaque ou tout simplement disparus….
S’il
rend hommage aux bénévoles des Restos du Coeur, il n’est, par
contre, pas très tendre avec les « bleus » du
CASH (Centre
d'accueil et de soins hospitaliers)
de Nanterre :
« J’avais
rencontré l’enfer et perdu toute dignité. Nous étions traités
comme des animaux nuisibles. »
Le livre suscite
une réflexion sur les causes de la pauvreté et de l'exclusion
sociale. Il pose des questions sur notre société et sur la manière
dont nous traitons les plus vulnérables. Les SDF sont souvent
dénigrés et traités de « grosses merdes qui trainent sur
le trottoir » ou de « fainéants » alors
que le quotidien d’un SDF est de savoir où il va dormir le soir,
ce qu’il va pouvoir manger – et où trouver la nourriture – où
se laver, comment faire ses besoins, et surtout, préserver le peu
qui lui appartient….
« La nuit
dans la rue, c’est la loi de la jungle, le jour la règle c’est
chacun pour soi, chacun son trottoir et même chacun sa rue. La nuit
c’est pire. »
Malgré les
épreuves, Jean-Marie Roughol montre une grande résilience et une
volonté de s'en sortir. Des anecdotes personnelles et des
expériences vécues nous montrent que la vie n’a pas toujours été
très tendre avec lui. Qu’il est difficile de se relever lorsque
l’on est tombé aussi bas.
Dépouillé de
complexités littéraires, son discours est accessible à un large
public ; son langage direct, parfois cru, peut quelquefois
choqué, mais il est celui d’un homme qui a fait peu d’étude,
certes, mais qui cependant est capable d’émotions brutes, que ce
soit la tristesse, la colère, ou l'espoir.
« La rue
c’est comme la jungle, pas d’avenir pour les faibles, les frileux
ou les peureux. Si tu ne résistes pas et ne montres pas que tu es
prêt à cogner, les nouveaux n’hésitent pas à te tabasser et à
te piquer ta cagnotte. Il est alors trop tard pour geindre. »
*
Sortir
de la rue après avoir été un enfant délaissé est un défi
immense, car la précarité n’est pas seulement physique, elle est
aussi émotionnelle. Laissé pour compte dès l’enfance, Jean-Marie
Roughol a été privé de sécurité affective, d’un cadre stable
et d’un environnement nourrissant.
Dans la rue, sa
survie devient une priorité, et les mécanismes de défense
s’installent. L’instinct de protection face à un monde hostile
prend le dessus, parfois au détriment de toute tentative de
réinsertion. La confiance en soi - en les autres et en l’avenir –
est alors sérieusement ébranlée, rendant difficile l’acceptation
de l’aide ou la volonté de croire en des solutions durables.
En
tant qu'assistante sociale retraitée,
j'ai eu l'opportunité de rencontrer des personnes vivant des
situations de grande précarité, et ces expériences ont
profondément marqué ma perception du monde. Ce qui m’a toujours
frappée, c’est la résilience de ces individus face à des
conditions de vie extrêmes, mais aussi la souffrance invisible qui
accompagne leur vie de tous les
jours. Sous
le vernis de cette « pauvreté »,
j’ai souvent rencontré des gens, sensibles, vulnérables, blessés,
des gens comme vous et moi.
Mon rôle était
alors de fournir un soutien moral et logistique, mais malgré tous
les efforts, il me restait un sentiment d’impuissance face à la
dureté de la réalité. La vie dans la rue est une épreuve à la
fois physique et psychologique, un combat constant pour la survie qui
érode la dignité et parfois, l’espoir. Demander de l’aide n’est
pas à la portée de tous.
Les services
sociaux sont souvent peu adaptés aux spécificités de ceux qui ont
grandi dans la grande précarité ou l’isolement, car le chemin
vers la réinsertion passe par une longue période de reconstruction
personnelle, nécessitant à la fois des ressources matérielles, une
grande force intérieure et beaucoup de temps ; il est
regrettable de constater qu’aujourd’hui, par exemple, un
travailleur social ne peut consacrer plus de 30 minutes d’entretien
par personne pour expliquer un parcours de vie, pour en extraire la
substance, sans jugement, et trouver une solution durable,
ensemble...
« La rue,
c’est mon univers. Je j’ai ancrée au plus profond de moi. Malgré
les difficultés, l’incompréhension, je m’y sens bien, plus
l’hiver que l’été. »
Les témoignages de
ceux qui ont vécu dans la rue me touchent profondément. Ils me
rappellent à quel point il est difficile de sortir de cette spirale
infernale, de reconstruire une vie stable quand on a été fragilisé
par des années de lutte pour la survie, de solitude et
d’indifférence. Car vous l’avez bien compris, ma plus grande
peur est de perdre mon toit…..
La rencontre entre Roughol et Debré
montre comment un simple acte de bonté peut transformer une vie.
C'est un appel à la compassion et à l'engagement envers les autres.
En découvrant l'histoire de Jean-Marie
Roughol, les lecteurs peuvent
mieux comprendre les parcours individuels qui chavirent
dans
la précarité, et développer plus d'empathie et surtout
de compréhension.
De grâce, lorsque
vous croisez un SDF dans la rue, même si vous ne souhaitez pas lui
donner une pièce – on ne peut pas aider tout le monde et
pourquoi lui plus qu’un autre ! – ne détournez pas le
regard : dîtes-lui simplement « bonjour »
pour qu’il ne se sente pas « invisible »….